Le gouvernement libéral de Philippe Couillard traitera les nouveaux demandeurs d’aide sociale qui refusent de participer au Programme Objectif Emploi comme des fraudeurs. En effet, la coupure de 224$ sur le chèque mensuel de base représente le montant qu’on coupe sur le chèque d’un prestataire d’aide sociale qui a fait deux fausses déclarations ou plus.
Nous croyons que nous devons dénoncer cette nouvelle Loi et s’unir afin de protéger la liberté individuelle et dénoncer les stéréotypes et le manque d’humanité auxquels font face les nouveaux demandeurs d’aide sociale.
Dans cet article, Me Lambert parle de cette nouvelle mesure qui constitue, selon lui, une incompréhension totale de la pauvreté et de la clientèle qui en est affectée.
*Veuillez noter que ce texte ne vise aucune affiliation politique de notre cabinet et qu’il est rédigé dans le but de dénoncer les actes qui vont à l’encontre de la lutte contre la pauvreté.
Pénalisés comme des fraudeurs
L’objectif de la Loi est évident aux yeux de l’ensemble de la population et a pour but de mettre une barrière aux nouveaux demandeurs d’aide sociale. Or, quel est le prix de cette mesure?
Il est à noter qu’il y a une diminution du nombre de prestataires depuis des années. Année après année, il y a plus de personnes qui quittent l’aide sociale qu’il y a de nouvelles demandes d’aide sociale.
En effet, les personnes qui sont aptes à travailler et qui demandent de l’aide sociale n’y restent pas longtemps. Ceux qui restent sur l’aide sociale ont bien souvent de gros problèmes. Il faut avoir de gros préjugés et ne pas être conscient de la réalité de la pauvreté pour imposer une pénalité de 224$, la même qui est appliquée aux fraudeurs.
Le gouvernement utilise le stéréotype du profiteur et du fraudeur de système pour justifier les mesures qu’il a entreprises depuis les dernières années. Or, la réalité dans laquelle nous vivons au quotidien est qu’il y a bien peu de vrais fraudeurs.
Nous avons rencontré beaucoup de personnes qui ont été mal informées ou mal conseillées qui ont eu une mention de fausse déclaration par l’aide sociale, car « nul n’est censé ignorer la Loi ». Notre estimation dans l’ensemble de nos dossiers correspondrait à un pourcentage bien minime de 5 % de la clientèle.
Recul d’une décennie en arrière
Il est à noter que cette mesure existait dans l’ancienne Loi, abolie en 2005:
L’adulte apte à occuper un emploi doit entreprendre des démarches appropriées à sa situation afin de trouver un emploi rémunéré et se conformer aux instructions que peut lui donner le ministre à cette fin.
L’adulte apte à occuper un emploi ne doit pas, sans motif sérieux, refuser un emploi ou l’abandonner ni le perdre par sa faute de manière à se rendre, ou, le cas échéant, à rendre sa famille admissible à un programme ou de manière à ce que leur soient accordées des prestations supérieures à celle qui leur auraient autrement été accordées.
Il s’agit d’un gros recul sur les libertés individuelles de chacun.
Antérieurement à 2005, la personne qui se faisait congédier était pénalisée. En effet, le prestataire ne pouvait pas refuser un emploi sur appel, ni refuser un emploi temporaire. Il ne pouvait pas refuser un emploi au motif qu’il ne correspondait pas à ses intérêts ou au motif qu’il désirait changer d’orientation professionnelle. De plus, il ne pouvait pas refuser un emploi qui est à 30 kilomètres de son domicile, et ce, malgré l’absence de transport en commun.
En effet, selon le Tribunal administratif du Québec, qui entend des litiges d’aide sociale, les problèmes de transport en commun ne sont pas insurmontables et ne constitue pas un motif pour refuser un emploi.
Violation de la Charte des droits et libertés
Il s’agit malheureusement d’un choix de société qui ne représente pas les valeurs qui se retrouvent dans la Charte des droits et libertés du Québec.
La Charte prévoit notamment que:
Tout être humain a droit à la vie, ainsi qu’à la sûreté, à l’intégrité et à la liberté de sa personne.
Lorsqu’on s’attaque à la liberté d’une personne, on s’attaque également à sa dignité et à sa sécurité. La nouvelle loi viole le droit à la liberté de la personne, ce droit consistant en l’absence de coercition et la faculté de faire des choix fondamentaux concernant sa vie.
Victimes de la vie
Notre bureau a une grande implication sociale. À notre bureau, on ne voit pas des personnes qui vont bien qui sont sur l’aide sociale; on voit des personnes qui sont en détresse et qui n’ont même pas l’assistance du gouvernement.
Il faut noter que les prestataires d’aide sociale ne sont pas les enfants des docteurs ou des enfants de professeurs d’université. La plupart de nos clients sont des personnes qui ont été des victimes de la vie, qui ont souffert de la dépression, la perte d’un être cher, un enfant gravement malade, une divorce difficile ou une séparation inattendue, un refus d’indemnisation de votre assurance-invalidité, etc.
Vous pensez que vous ne serez jamais une victime de la vie… et on ne vous le souhaite pas, car le gouvernement ne vous soutiendra pas. Il ne reconnaitra pas facilement que vous êtes inapte au travail et ce, même avec un document de votre médecin de famille.
Il arrive fréquemment que les gens qui font une demande d’aide sociale n’aient jamais imaginé que cela leur arriverait. Nous avons représenté des clients qui, après une longue bataille afin de reconnaitre leur problème de santé contre la SAAQ, la CNESST ou Retraite Québec, tombent sur l’aide sociale. Ils doivent alors recommencer tout le processus de contestation, ce qui peut prendre des années.
Manque de d’assistance et de ressources
Il y a un gros manque d’assistance pour les prestataires et une grande détresse sociale et psychologique chez la majorité des personnes qui appliquent pour l’aide de dernier recours. Beaucoup d’entre eux ont un faible niveau de scolarité et ne bénéficient pas des ressources nécessaires pour les aider, telles qu’un médecin de famille, travailleur social, psychologue, groupe de thérapie, etc.
Nous avons de nombreux clients qui ont des graves problèmes de santé et qui ne sont pas reconnus comme tels. Nous représentons souvent des clients qui arrivent devant le juge et que tous sont conscients qu’ils ne sont pas bien. Nombreux sont ceux qui sont sans médecin de famille et sans diagnostic précis sur leur état de santé qui détériore.
Croyez-vous vraiment que le 640 $ par mois est un choix? Il faut côtoyer la pauvreté pour se rendre compte de la détresse de beaucoup de personnes. Il est si facile de se faire une opinion défavorable de ce qu’on ne côtoie pas lorsqu’on est bien placé.
Impact de telles mesures coercitives
Le gouvernement aurait facilement été en mesure de créer des mesures incitatives au lieu d’adopter des mesures coercitives ; par exemple, il aurait pu permettre aux prestataires d’aide sociale d’avoir droit de gagner 400$ par mois au lieu de 200$.
Des choix de société ont été faits et sont en train d’être défaits. Nous croyons au contraire que de briser des filets sociaux ne fera qu’accentuer des problématiques réelles. Lorsque l’aide sociale ne couvrira plus les besoins de base, ce qu’elle ne fait déjà pas, il risque d’y avoir un impact sur le taux de criminalité et le travail au noir.
L’adoption de ce changement règlementaire ne répond à aucune préoccupation sociale urgente et réelle dans une société libre et démocratique. De plus, aucune étude ou analyse préalable justifiait la nécessité ou la pertinence de ce changement. Au contraire, tel que discuté précédemment, cette mesure fut abolie en 2005 pour être réinstaurée plus d’une décennie plus tard par le gouvernement libéral.
Si le gouvernement avait du courage, il aurait créé son fameux revenu universel garanti pour tous au lieu de sortir le bâton contre les assistés sociaux qui sont une cible bien facile par leur caractère vulnérable.
Les assistés sociaux n’ont peu de pouvoir et sont ostracisés, n’étant pas représentés par des organismes ou lobbys puissants. Me Lambert se fait un devoir et une mission d’être la voix des plus démunis.
Conclusion
On diminue le nombre de prestataires d’aide sociale en créant de la richesse en nivelant par le haut, en ayant une économie forte, un système d’éducation fort et un système de justice fort.