À l’automne 2016, le gouvernement libéral a commandé un rapport sur la faisabilité de l’instauration d’un revenu minimum garanti au Québec.
En novembre 2017, le Comité d’experts a rejeté l’idée d’un revenu minimum garanti et a affirmé qu’il serait mieux de travailler avec le système d’aide sociale actuel en améliorant la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles.
Le gouvernement libéral a critiqué le rapport des experts et a annoncé, en date du 10 décembre 2017, son plan d’action de lutte contre la pauvreté de 3 milliards de dollars qui prévoit l’instauration d’un revenu minimum garanti pour les prestataires d’aide sociale jugés inaptes au travail.
Un « faux » revenu minimum garanti
De notre point de vue, il ne s’agit pas d’un vrai revenu minimum garanti, car il ne vise pas concrètement à améliorer la qualité de la vie des prestataires inaptes à l’emploi. Le plan d’action ne mentionne pas que ces personnes auront le droit d’avoir un conjoint, ni d’avoir de l’aide de sa famille sous forme de dons en argent sans limitation, et ce, sans pénalité.
Notre cabinet milite depuis des années pour que les personnes ayant des contraintes sévères à l’emploi puissent avoir le droit d’avoir un conjoint sans que les revenus du conjoint soient comptabilisés pour couper la prestation d’aide de dernier recours.
Après des mesures qui ont eu pour effet d’accroitre la pauvreté chez les plus démunis, le gouvernement se présente comme un défenseur de ces derniers.
Un vrai revenu minimum garanti : enlever les mesures répressives existantes
Le plan du Ministre sur le revenu minimum garanti ne dit rien sauf une augmentation des prestations d’aide sociale. Or, que serait un vrai revenu minimum garanti?
Le droit de recevoir de l’aide de ses proches
Notre bureau voit constamment des personnes inaptes à l’emploi se faire réclamer des sommes considérables pour avoir liquide excédentaire, car elles n’ont pas le droit d’avoir plus de 2 500 $ dans leur compte en banque. Souvent, les parents et les aidants naturels cumulent de l’argent pour assurer le bien-être de leurs enfants et leurs proches qui sont inaptes au travail.
Le Ministre va t-il enlever cette restriction de ne pas avoir droit à plus de 2 500 $ dans le compte de banque?
Le droit d’avoir un chambreur
La mesure de comptabiliser les chambreurs comme des revenus de travail avait été adoptée par le gouvernement libéral en début de mandat. Il est difficile d’imaginer pour un prestataire de vivre sans chambreur avec le peu de prestation qu’il reçoit de l’aide sociale.
De plus, le chambreur risque aussi de devenir un conjoint avec le temps et les deux risquent d’être sous enquête et recevoir par la suite une réclamation de la part de l’aide sociale pour vie maritale.
Est-ce que le gouvernement permettra aux prestataires déclarés inaptes à l’emploi d’avoir des chambreurs?
Le droit de suivre des formations afin d’intégrer le marché du travail
Nous avons beaucoup de clients qui ont des contraintes sévères à l’emploi qui veulent suivre des formations à temps plein. Or, ils se font systématiquement dire qu’ils n’ont pas le droit d’être étudiant à temps plein sans approbation de leur agent d’aide sociale.
Avec un vrai revenu minimum garanti, le Ministre devrait donner la possibilité aux personnes qui ont des difficultés importantes de suivre des cours qu’ils veulent et d’obtenir leur secondaire 5 et ce, malgré les difficultés que la vie leur a données.
Aller à l’encontre des recommandations des experts
Le gouvernement libéral aurait facilement pu modifier la loi qui comprend déjà des dispositions distinctes pour les personnes aptes à l’emploi sur l’aide sociale, versus les personnes inaptes à l’emploi qui sont sur le programme de solidarité sociale.
Entre autres, cette loi prévoit déjà un montant de prestation différent conformément à l’aptitude et l’inaptitude à l’emploi d’un prestataire. De plus, il y existe déjà des exclusions qui permettent aux personnes déclarées inaptes à l’emploi d’hériter ou d’avoir plus d’argent dans son compte de banque.
Il aurait été facile d’ajouter ainsi d’autres dispositions législatives. À titre d’exemple, le gouvernement aurait pu modifier la loi pour permettre aux personnes sur le programme de la solidarité sociale d’obtenir le droit de voyager à l’extérieur du pays pour une durée de plus de 7 jours.
Or, le gouvernement a fait fi des recommandations du Comité d’experts. Il y a une loi qui existe déjà, qui était facilement modifiable en augmentant les prestations versées aux prestataires.
Il y aura une modification de nombreuses lois, sans compter les dépenses en lien avec cette annonce, et ce, dans le seul but de combler un désir d’instaurer un revenu minimum garanti qui n’est pas un vrai revenu minimum garanti universel.