Le 24 mars 2017, dans l’affaire Godbout et Gargantiel, le plus haut tribunal du pays a donné une interprétation très large à la règle de « no-fault », un système d’indemnisation des victimes d’accidents de la route, sans égard à la faute. Cette interprétation de la Cour Supême a pour effet d’élargir cette règle aux fautes des tiers suivant un accident d’automobile.
Faute distincte survenue après l’accident d’automobile
La question que devait trancher la Cour suprême du Canada était de savoir si une victime d’accident d’automobile qui est admissible à des indemnités de la SAAQ et qui a subi une aggravation de son état en raison d’une faute commise par un tiers a le droit de poursuivre ce dernier en civil pour le préjudice qu’elle a subi par cette faute subséquente à l’accident.
Voici les faits pour mettre en contexte la portée donnée au régime de « no-fault » en vertu de la Loi sur l’assurance automobile du Québec (ci-après la « Loi »).
Madame Godbout voulait poursuivre l’hôpital et son personnel, alléguant que leur faute, distincte de l’accident, lui avait apporté des séquelles supplémentaires.
Monsieur Gargantiel, quant à lui, voulait poursuivre le service de police qui avait pris plus de 40 heures à le retrouver, ce qui lui a amené des engelures et des amputations.
Les médecins et policiers à l’abri d’une poursuite civile
Dans son jugement, la Cour suprême du Canada, sous le plume du juge Robert Wagner, conclut que la faute, malgré qu’elle soit distincte de l’accident, était dans le cadre d’un accident d’automobile et est donc couverte par la SAAQ. Le préjudice additionnel est, par ce fait même, couvert par le régime d’indemnisation public.
On ne peut pas aller au-delà du régime de no-fault
En ce faisant, le plus haut tribunal du pays favorise une interprétation large et libérale de la Loi en jugeant qu’il y a « un lien plausible, logique et suffisamment étroit » entre l’accident de la route et la faute du tiers qui a suivi l’accident et que par conséquent, le préjudice qui en découle fait partie de l’accident d’automobile.
Les conséquences de ne pas pouvoir poursuivre des tiers suite à un accident d’automobile
La conséquence peut être avantageuse ou désavantageuse dépendamment de chaque cas distinct.
En effet, si le tiers responsable du préjudice additionnel n’est pas solvable, il est avantageux que ce soit la SAAQ qui indemnise, évitant ainsi la multiplication des procédures. De plus, ceci empêche la SAAQ de refuser de payer en alléguant la faute d’un tiers, malgré le fait qu’elle pourrait exercer un mécanisme de subrogation.
D’un autre coté, comment pouvons-nous déresponsabiliser totalement un tiers qui n’a aucun lien avec l’accident de toutes les conséquences de ses actes? Poussons l’exemple à l’extrême : un chirurgien qui oublierait ses ciseaux dans une victime d’accident d’automobile ou un médecin qui prescrirait un médicament auquel le patient est allergique. Ces situations n’engendreraient aucune responsabilité de leur part.
Cette question sera tranchée pendant longtemps avec ce récent jugement de la Cour suprême, à moins que le législateur décide de modifier l’article 83.57 de la Loi, qui mentionne que :
Les indemnités prévues au présent titre tiennent lieu de tous les droits et recours en raison d’un préjudice corporel et nulle action à ce sujet n’est reçue devant un tribunal.
Consultez notre dossier complet à propos de l’indemnisation en matière de SAAQ.
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