Lors d’un souper en famille dans un restaurant, vous choisissez un plat et expliquez au serveur que vous avez une allergie alimentaire. Vous commencez à manger et vous vous sentez mal : vous avez une réaction allergique.
Les raisons peuvent être variées – un oubli du serveur, un malentendu de la part du cuisinier, un manque de mécanismes pour éviter ce type de situation, etc. – et les conséquences, graves. Avez-vous droit à un dédommagement? Si oui, sous quelles circonstances?
Me Lambert explique la loi à cet égard en utilisant des exemples tirés de vrais dossiers jugés par les tribunaux.
La responsabilité civile
Si vous êtes un lecteur habituel de nos capsules juridiques, vous connaissez sûrement les trois éléments qui doivent être établis pour avoir droit à un recours en responsabilité civile : la faute, le préjudice et le lien de causalité. Vous pouvez rafraîchir votre mémoire en lisant cet article. Dans les cas décrits ci-dessous, cette responsabilité est de nature contractuelle, car il y a un contrat (oral ou écrit) entre vous et le bar, restaurant, hôtel, traiteur, etc.
De plus, l’obligation est de résultat. Ceci veut dire que ce n’est pas suffisant de prendre toutes les mesures raisonnables pour éviter la contamination de la nourriture par l’ingrédient allergène (ce qui serait une obligation de moyen, comme celle des médecins). En effet, le commerçant qui vous fournit la nourriture vous garantit que le repas ne sera pas contaminé et doit vous servir un plat sans l’allergène indiqué par vous.
Jurisprudence
Faute de l’hôtel
Dans un dossier analysé par la Cour du Québec, Mme Corbeil se rend au Holiday Inn Laval pour un réveillon de Noël. Elle informe l’hôtesse de la fête sur ses allergies aux arachides, noix, graines et huile de tournesol. L’hôtesse, à son tour, avertit la coordonnatrice des banquets de l’hôtel et elles incluent les allergies dans leur contrat.
Lors de l’organisation de la soirée et pendant celle-ci, Mme Corbeil et l’hôtesse relaient des informations et se renseignent auprès du personnel de l’hôtel sur les allergies. Elles sont assurées qu’il n’y a pas d’allergènes. Toutefois, Mme Corbeil fait une réaction allergique pendant la soirée et doit se rendre aux urgences. Le lendemain, on découvre qu’une des entrées contenait du beurre d’arachide.
Mme Corbeil essaye de s’entendre avec l’hôtel pour obtenir un dédommagement sans passer par les tribunaux. Plusieurs échanges de messages et une mise en demeure s’ensuivent. L’hôtel lui propose de rembourser son repas et celui de son mari, mais ceci ne la satisfait pas et elle dépose un dossier à la Cour du Québec.
La Cour a jugé que l’hôtel s’était engagé à fournir un repas sans les allergènes indiqués par Mme Corbeil et n’a pas rempli son obligation de résultat à cet égard.
Quant aux allégations de l’hôtel prétendant que Mme Corbeil aurait dû vérifier ce qu’elle mangeait, la Cour a décidé que toutes les précautions raisonnables ont été prises par la demanderesse et lui accorde un montant de 5 577,82 $ pour les préjudices subis (perte de jouissance de la vie et autres troubles et inconvénients) ainsi que 1 500,00$ en dommages-intérêts punitifs.
Faute de la serveuse d’un restaurant
Dans un autre dossier, Monsieur Daigle, qui est allergique aux œufs, noix et arachides, se rend à un restaurant à Montréal. Il informe la serveuse sur ses allergies et lui demande si le plat qu’il veut commander contient des ingrédients allergènes. La serveuse se déplace et, en revenant à la table, informe le demandeur qu’il n’y a pas de problème. M. Daigle mange le plat et fait une réaction allergique. Il souffre de vomissements, crampes et difficultés respiratoires et se rend aux urgences.
La Cour a jugé que la serveuse a commis une faute qui a causé les préjudices décrits ci-dessus. Toutefois, puisque la serveuse est une préposée du restaurant, ce dernier en est responsable selon l’article 1463 du Code Civil du Québec. En effet, vous pouvez poursuivre le restaurant, le bar, le traiteur, etc. et non seulement la personne qui a commis la faute.
Limites à la responsabilité
Le fait que ce soit une obligation de résultat signifie que le restaurant ne peut se dégager de sa responsabilité envers vous qu’en prouvant que le préjudice a été causé par une force majeure ou par vous en tant que victime.
Être auteur de son propre malheur
Si vous n’avez pas pris les précautions raisonnables pour éviter ou minimiser la réaction allergique, vous pourriez être tenus responsable – en partie ou en totalité – du préjudice subi.
C’est le cas, par exemple, d’une personne qui, sachant qu’elle a une allergie grave, n’amène pas son Epipen ou ne l’utilise pas lorsqu’il s’avérerait nécessaire. Ou de quelqu’un qui oublie d’informer le serveur d’une allergie ou qui, après avoir été renseigné de la possibilité de contamination, décide quand même de manger l’aliment.
Obtenir un dédommagement
Avant de faire appel aux tribunaux, vous pouvez essayer de régler le problème par vous-même. Or, si une simple conversation ou échange de messages ne suffit pas, vous pouvez aussi envoyer une mise en demeure par courrier recommandé ou par huissier.
Si ceci ne fonctionne pas, vous pouvez choisir de faire entendre votre cause aux petites créances de la Cour du Québec, puisque le montant réclamé sera probablement inférieur à 15 000 $ (le maximum accepté par cette division de la Cour). Pour en lire davantage sur la préparation à une audience aux petites créances, cliquez ici.
Chaque cas est un cas d’espèce. Les faits et circonstances propres au vôtre peuvent avoir un grand impact sur la décision de la Cour. Afin maximiser vos chances de succès, il est important de garder toute preuve démontrant le préjudice que vous avez subi : des photos, des factures de médicaments, des documents et rapports médicaux, des échanges entre vous et le traiteur détaillant vos allergies, etc.
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