Vous vous portez volontaire pour aider votre voisin à effectuer des réparations sur sa maison. Ce dernier vous prête une scie, mais ne vous explique pas comment l’utiliser. Quelques instants plus tard, vous vous coupez le doigt.
Votre enfant doit utiliser un brûleur lors de son cours de chimie. Le professeur omet de renseigner les élèves sur les dangers et les précautions à prendre avec ce type d’outil. Votre enfant, ignorant les risques associés à un tel instrument, se brûle à la main.
Est-il alors possible d’entamer un recours en responsabilité civile contre le propriétaire ou la personne étant responsable de l’objet dangereux afin d’obtenir une réparation pour le préjudice subi? Le défaut de renseigner un usager sur les dangers et les règles de sécurité d’un outil représente-t-il une faute suffisamment importante pour engager la responsabilité du gardien de l’appareil?
Me Lambert se penche sur ces questions en vous expliquant, à l’aide d’exemples concrets, les options qui s’offrent à vous lorsque des évènements de la sorte se produisent.
Les éléments de la responsabilité civile
Si vous êtes un lecteur habituel de nos capsules juridiques, vous reconnaitrez les trois éléments essentiels qu’il faut prouver si l’on veut réussir son recours en responsabilité civile, soit la faute, le préjudice et le lien de causalité entre ces deux facteurs.
Il faut premièrement démontrer l’existence d’un préjudice. Celui-ci peut se présenter sous trois formes différentes. En effet, les dommages subis par la victime peuvent être corporels, moraux ou matériels.
En ce qui concerne la faute, il faudra que la partie demanderesse démontre que l’information que le défendeur a omis de divulguer constituait une faute, en se fiant au contexte, aux usages, ainsi qu’aux règles d’utilisation et de sécurité de l’objet en cause.
Dans ce type de situation, il ne faut surtout pas oublier de faire la preuve du lien de causalité, car les juges ont tendance à se concentrer davantage sur le lien de causalité entre le défaut d’information et le préjudice causé. En d’autres mots, il faut s’assurer que la victime aurait agi différemment, de façon à prévenir, si elle avait eu l’information retenue par le responsable de l’outil.
La jurisprudence
Afin de mieux comprendre l’importance du lien de causalité dans les situations impliquant un manquement à une obligation de renseignement de la part de la partie défenderesse, nous expliquerons quelques dossiers démontrant ce principe.
Il existe notamment plusieurs dossiers traitant d’accidents causés par l’utilisation d’une scie mécanique ou à ruban.
Dans un premier cas, le défendeur avait permis à son fils d’emprunter sa scie située dans son garage. Le père était propriétaire de la scie depuis plus de 10 ans et il n’avait jamais utilisé le garde de sécurité qu’il était possible d’installer devant la lame pour prévenir les risques de se couper. Son fils avait l’habitude d’utiliser cette scie, mais malgré son expérience, il s’est coupé les doigts, alors qu’il ignorait l’existence du garde-lame. Le demandeur a tenté un recours contre son père en argumentant que la connaissance du dispositif de sécurité aurait empêché son préjudice. À première vue, le recours du fils semble solide. Or, la Cour a cependant souligné qu’il n’existe aucun lien de causalité entre ce manque d’information et le dommage subi par le demandeur. En effet, il s’agissait ici d’une victime avertie, qui connaissait bien les risques et les dangers associés à un tel outil. Le père lui avait montré comment utiliser, de façon sécuritaire, la scie, dans l’état où elle était, sans se blesser. Le tribunal souligne que le préjudice n’a donc pas été causé par le manque d’information du père, mais bel et bien par le comportement négligent du demandeur qui n’avait pas respecté les instructions du défendeur et avait agi avec témérité. La Cour conclut alors qu’il était le seul auteur de son malheur.
Dans un autre dossier traitant de circonstances similaires, la Cour rappelle que lorsqu’il s’agit d’un outil dangereux, la personne qui l’utilise accepte les risques possibles liés à son usage, au même titre qu’un sportif qui accepte les risques liés à un sport extrême. Par conséquent, une personne qui sait qu’un garde-lame peut réduire les risques de blessures et consent à son utilisation malgré l’absence d’un tel dispositif se retrouve sans recours devant les tribunaux, si son geste audacieux mène à un accident.
Un autre facteur à considérer, en plus de la négligence et de l’acceptation des risques de la part de la victime, c’est l’expérience de la victime. Par exemple, dans un dossier impliquant un étudiant à la maitrise en chimie qui s’était blessé en utilisant un laser fourni par l’école, en le plaçant directement devant son œil, la Cour a décidé que la victime était la seule responsable de son accident. Elle conclut que ce n’était pas la première fois qu’il se servait d’un tel outil et que malgré le manque d’instructions de la part de l’école, un étudiant raisonnable placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas visé le laser en direction de son propre œil.
En somme, un recours est toujours possible contre le propriétaire ou le responsable de l’outil dangereux si aucune information relevant de la sécurité n’a été transmise à celui qui s’en est servi, à condition de prouver le lien de causalité entre ce manque d’information et le préjudice causé. Comme tous les cas sont un cas d’espèce, les circonstances de l’évènement et les qualités de la victime joueront certainement un rôle lors de l’appréciation faite du lien de causalité par le tribunal.
Si vous avez subi un préjudice corporel suite à un accident malheureux, n’hésitez pas à contacter notre cabinet.
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