Si vous êtes un lecteur assidu de nos capsules, vous savez déjà que lorsque vous subissez un préjudice, qu’il soit de nature corporelle, matérielle ou morale, la loi vous offre plusieurs recours afin que vous puissiez obtenir des réparations pour vos dommages. Toutefois, il est utile de savoir que, dépendamment des circonstances, il vous sera possible d’en plus, réclamer des sommes supplémentaires sous la forme de dommages-intérêts punitifs ou exemplaires.
Dans cet article, Me Lambert explique, à l’aide d’exemples tirés de la jurisprudence, les diverses particularités du principe de dommages-intérêts à des fins punitives ou exemplaires dans le cadre du droit québécois.
Qu’est-ce qu’un dommage-intérêt punitif?
En fait, c’est une somme qui excède celle attribuée à la victime à titre de réparation et qui a pour objectif principal de punir le comportement fautif et répréhensible du défendeur. Elle peut également servir comme élément dissuasif en établissant un exemple destiné aux autres personnes envisageant d’agir à l’image du fautif.
La disposition générale qui prévoit ce régime se trouve à l’article 1621 du Code civil du Québec. On y retrouve d’ailleurs la volonté du législateur de prévenir et décourager les conduites non souhaitables dans notre société.
C’est également dans cet article que se trouvent les barèmes utilisés par les tribunaux afin de fixer la somme qui devra être payée. Ceux-ci seront discutés plus tard dans l’article.
Quand est-il possible d’obtenir des dommages punitifs?
Dans les autres provinces, il est possible d’obtenir des dommages punitifs au moment où il a été reconnu qu’une personne a bel et bien commis une faute à l’égard d’autrui, engendrant ainsi un préjudice.
En droit civil québécois, les cas donnant accès à ce type de somme se trouvent à être considérablement plus limités. En effet, la loi limite les situations où l’on permet l’attribution de telles sanctions aux seuls cas prévus expressément par celle-ci.
La Charte des droits et libertés de la personne
La Charte des droits et libertés de la personne, aussi appelée la « Charte québécoise », a pour objectif de défendre nos libertés individuelles en plus de protéger nos droits les plus fondamentaux. Parmi ceux-ci figurent, entre autres, le droit à la vie et à la dignité, la liberté d’expression et de religion ainsi que la protection contre toutes formes de discrimination. L’une des façons d’atteindre ce but noble est donc de permettre l’imposition de pénalités aux personnes qui contreviendraient à la Charte.
Ainsi, l’article 49 de la Charte oblige quiconque quibrime les droits et libertés reconnus par dans la Charte non seulement à dédommager la victime pour le préjudice causé, mais aussi à payer des dommages-intérêts punitifs dans les cas où la personne l’aurait fait de manière intentionnelle.
Pour illustrer ce point, discutons d’un dossier où une fille a abusé de sa mère placée dans un CHSLD afin de tirer des fonds du compte bancaire de cette dernière. Or, l’article 48 de la Charte québécoise protège les personnes âgées de toutes formes d’exploitation. Les agissements de la fille contrevenaient donc aux droits de sa mère garantis par la loi, ce qui a permis à la Cour de condamner la fille à payer 3 000 $ en dommages punitifs.
Le Code civil du Québec
Le Code civil permet d’imposer des dommages-intérêts punitifs seulement aux locateurs.
L’article 1899 du Code qui prévoit la sanction aux propriétaires qui refusent de louer à des femmes sous prétexte qu’elles sont enceintes ou qu’elles ont des enfants. De plus, des dommages punitifs seront également imposés à tout locateur qui harcèle un locataire ou qui l’empêche de jouir paisiblement de son logement. Enfin, une reprise ou une éviction faite de mauvaise foi peut également ouvrir la porte à ce type de recours.
Prenons comme exemple un dossier ou une locatrice a privé l’une de ses locataires, Mme Huynh, de ses meubles, ses vêtements et sa nourriture pendant plusieurs jours en changeant la serrure de sa porte sans lui avoir remis une nouvelle clé. La preuve a également démontré que la locatrice a harcelé Mme Huynh à plusieurs reprises afin de la pousser à quitter le logement. Il a été établi que la locataire en question n’avait commis aucune faute et la Cour a alors condamné la locatrice à débourser 10 000 $ comme punition pour avoir violé les dispositions prévues au Code civil.
La Loi sur la protection du consommateur
La Loi sur la protection du consommateur est un autre exemple où il est permis de demander des dommages punitifs. Cette disposition prévue à l’article 272 permet de sanctionner tout commerçant qui ne respecte pas les obligations édictées dans cette même loi.
Il est à noter que toutes les obligations sont incluses, tant les obligations de faire (comme l’obligation de vous informer de la garantie légale) que les obligations de ne pas faire (comme l’interdiction de faire de la fausse représentation). Cette règle a pour but de dissuader les commerçants d’adopter des comportements abusifs qui pourraient grandement nuire aux consommateurs.
D’ailleurs, en 2012, la Cour suprême a octroyé des dommages punitifs à un monsieur victime de fausse représentation et de publicité trompeuse de la part du magazine Time dans le cadre d’un concours.
Dans ce jugement, les juges sont venus clarifier l’article 272 en expliquant qu’il est nécessaire de prouver la mauvaise foi ou une intention de causer un préjudice. Sinon, il est également possible de démontrer que le commerçant a fait preuve d’aveuglement volontaire ou de négligence dans l’exercice de ses agissements fautifs.
Le montant de dommages punitifs
L’article 1621 du Code civil laisse une certaine liberté aux juges lorsque vient le temps de déterminer le montant de la pénalité, tout en suggérant quelques éléments à prendre en considération. Ces éléments sont les suivants :
- La gravité de faute : il faut analyser la conduite fautive ainsi que l’importance que celle-ci a eu sur l’atteinte des droits de la victime.
- La situation patrimoniale du défendeur : le montant octroyé à titre de dommages punitifs risque d’être plus élevé si la situation financière du fautif est aisée, afin de permettre au caractère préventif de la sanction d’être le plus efficace possible.
- L’étendue de la réparation déjà accordée : si les dommages-intérêts compensatoires sont trop insignifiants pour décourager un comportement, le montant des dommages punitifs risque d’être plus importante.
Dans l’arrêt Time précité, le plus haut tribunal du pays énumère d’autres circonstances possibles. Par exemple, le fait que le fautif soit une compagnie ou une société d’État risque d’être un facteur aggravant. Les antécédents et les comportements postérieurs à l’incident permettront aideront aussi la Cour dans son analyse.
Si vous êtes un consommateur lésé dans vos droits, il se peut que vous ayez un recours en dommages punitifs dans le cadre d’une action collective. N’hésitez pas à nous contacter pour plus d’informations.
Si vous avez aimé cet article et souhaitez en lire d’autres, suivez notre page Facebook pour ne pas manquer nos capsules juridiques hebdomadaires sur différents sujets d’ordre juridique!