Lors de votre entrainement matinal, vous décidez d’aller courir quelques kilomètres dans votre quartier avant votre journée de travail. Toutefois, alors que vous commencez à vous réchauffer, votre pied glisse dans un trou dans le trottoir qui s’est affaissé et vous vous foulez la cheville. Après une longue journée à l’hôpital à cause de ce trou si bien dissimulé, une question demeure; avez-vous un recours contre la ville?
Bien souvent, la réussite d’un recours en responsabilité civile se résume en la présence ou l’absence de trois éléments. Existe-t-il une faute, un préjudice et un lien causal entre ceux-ci? Si ces concepts vous sont complètement inconnus, vous pouvez vous référer à cette autre capsule juridique de notre cabinet. Dans la pratique, il se révèle fréquemment que la faute peut bien souvent être difficile à prouver, mais le concept de piège en responsabilité civile peut parfois nous aider, comme cela serait le cas dans cette situation. Nous allons explorer plus en profondeur dans le texte qui suit les implications de cette notion importée au Québec à partir du droit anglais.
Définition et exemples
Évidemment, un piège en droit n’est pas qu’un simple guet-apens et de nombreuses situations peuvent être qualifiées de pièges si elles répondent à 3 caractéristiques importantes. Ainsi, si les 3 éléments qui suivent sont remplis, il y a de fortes chances qu’il s’agisse d’un piège et que la faute soit établie.
Premièrement, un piège doit être intrinsèquement dangereux. Cela est évidemment le cas du trou dans le trottoir mentionné précédemment, mais cela est aussi le cas pour une barrière mal signalée, un tuyau dissimulé sous la neige et de nombreuses autres situations. La question à se demander est si le responsable savait ou aurait dû savoir que la situation qu’il laissait perdurer avait un risque objectif de blesser une personne. Si cela est le cas, la situation est donc intrinsèquement dangereuse.
Deuxièmement, un piège doit être dissimulé ou camouflé, ce qui veut dire que la situation dangereuse ne devait pas être évidente pour tous. Il est important de noter que ce critère est maintenant beaucoup plus large qu’il l’était antérieurement grâce à un nouveau dossier. Dans cette décision, il est question d’une dame qui chute de son vélo à cause d’un boyau d’arrosage qui traversait la piste cyclable. Ce boyau n’était évidemment pas dissimulé ni camouflé, mais la victime pensait pouvoir passer par-dessus jusqu’à ce qu’un employé de la ville manipule le boyau de façon à le rendre tout à coup dangereux pour tous les cyclistes. Ainsi, bien que le boyau fût évidemment visible pour tous, la cour a donc conclu « qu’une situation anormale et imprévisible peut constituer un piège malgré le fait que le danger soit visible ». Ainsi, malgré le fait que le piège soit visible, il faudra parfois se demander si la situation créée était surprenante pour la victime.
Troisièmement, un piège doit avoir un caractère anormal. Ce critère peut souvent être bien difficile à différencier avec le dernier, mais il existe une certaine distinction. En effet, un piège peut évidemment être caché sans toutefois être anormal. Un excellent exemple serait la plaque de glace sur une montagne de ski. En effet, une plaque de glace sur la piste peut être dissimulée par de la nouvelle neige sans que cela ne soit considéré comme un piège. En effet, un skieur prudent et diligent sait évidemment que la glace est un élément courant sur une montagne et qu’il se doit de rester attentif lorsqu’il descend. Voilà aussi pourquoi de la glace sur un trottoir serait difficilement qualifié comme un piège. Contrairement au nid-de-poule mentionné dans l’introduction, cette situation est si fréquente suite à une tempête hivernale qu’il serait difficile d’arguer que cela est anormal.
Limitations de la notion de piège
Bien que la notion de piège aide grandement à prouver la faute, le fait de remplir tous les critères ne signifie pas que le recours sera assurément gagné pour la totalité du préjudice. En effet, il existe 2 situations qui peuvent limiter la responsabilité du défendeur.
En premier lieu, il peut souvent avoir partage de la faute si la victime avait une connaissance du danger. En effet, il est simple d’observer que si par exemple une victime ignore des avertissements répétés, elle devra partager une partie du blâme pour ce qui est arrivé. Le défendeur sera peut-être responsable pour une partie du dommage considérant qu’il n’a agis afin de régler la situation. Ainsi, une simple mise en garde peut nuire au recours, mais ne le voue pas à l’échec.
En deuxième lieu, il peut avoir partage de la faute ou non responsabilité du défendeur si la victime n’avait pas le droit d’avoir accès au terrain où l’accident a eu lieu. En effet, puisque la victime n’était pas autorisée à entrer sur le terrain, il y a de forte chance que cela influence la décision de la cour. Toutefois, il est important de noter que cette situation n’est une défense complète, ce qui peut être surprenant pour certains. En effet, tout propriétaire prudent et diligent doit prendre en considération qu’il est toujours prévisible qu’un tiers ignore ses avertissements, et il a donc commis une faute lorsqu’il n’a pas agi pour régler la situation qui créait un piège.
En conclusion, la notion de piège en responsabilité civile est parfois un outil très puissant afin de façonner la faute, mais cela ne signifie pas que tout recours qui l’invoque est voué au succès. Si vous pensez que vous avez été victime d’un piège qui vous a causé préjudice, n’hésitez pas à contacter notre cabinet afin de connaitre vos droits plus en profondeur par rapport à votre situation particulière.